ALICOM 99/10





Conférence internationale sur le commerce des denrées alimentaires
Au-delà de l'an 2000: décisions fondées sur des données scientifiques, harmonisation, équivalence et reconnaissance mutuelle
Melbourne (Australie), 11-15 octobre 1999

Garantir la qualité et l'innocuité des aliments: retour à l'essentiel -
Contrôle de la qualité tout au long de la chaîne alimentaire
Le rôle des gouvernements

par

le Professeur J.A. Abalaka
Directeur général, Office de normalisation du Nigéria


Table des Matières


1. La présente communication commencera en citant le poète: "Nous ne cesserons pas notre exploration. Et le terme de notre quête sera d'arriver là d'où nous étions partis, et de savoir le lieu pour la première fois," T.S. Eliot.

2. La beauté, et naturellement la force, du concept de gestion moderne de la qualité réside dans le fait de reconnaître l'importance de l'évaluation continue de nos pratiques, et de leur amélioration continue. Ce concept se fonde sur l'aveu que les connaissances humaines ne sont jamais parfaites, et qu'il y a toujours possibilité d'amélioration des pratiques et des résultats.

3. L'un des principaux problèmes qui se pose dans le monde, et plus particulièrement dans nombre de nations aujourd'hui, est celui de la disponibilité, en quantité suffisante, de vivres culturellement acceptables et dont l'innocuité est établie pour satisfaire la demande d'une population mondiale qui continue de croître. L'effort général visant à accroître, au fil des ans, les disponibilités alimentaires s'est articulé sur l'utilisation planifiée d'engrais, de pesticides, de médicaments vétérinaires, d'autres agents chimiques et, récemment, sur l'application en agriculture du génie génétique, de la transformation à grande échelle, de la mise en conserve, du conditionnement, du transport et de l'entreposage des produits alimentaires. La campagne de prévention du gaspillage des produits alimentaires a conduit à encourager la transformation de ceux-ci pour en améliorer la distribution et en prolonger la durée de conservation, en faisant intervenir des procédés techniques susceptibles de modifier la composition chimique des aliments proprement dits et l'usage délibéré d'additifs ou de traitements susceptibles de multiplier les contaminations. Ainsi l'existence de risques ou de dangers sanitaires liés à la poursuite d'une production alimentaire plus abondante est-elle bien réelle.

I. Risques alimentaires

4. Les risques sanitaires associés aux aliments peuvent provenir des matières premières utilisées, des manipulations, et de toutes les étapes de transformation, de transport, d'entreposage et de commercialisation des produits alimentaires.

5. Les principaux risques alimentaires peuvent notamment être les suivants:

6. La mesure du souci de qualité et d'innocuité des produits alimentaires et la place prise par les questions de sûreté sanitaire sont directement liées au niveau de développement social et économique des pays. Dans les pays en développement, il est fréquent que plus de la moitié du revenu des ménages (de 50 à 65 pour cent) soit consacré aux achats de nourriture, situation qui conduit les consommateurs à rechercher des aliments bon marché et peu nutritifs. En outre, la perception que peut avoir le consommateur moyen des risques qu'il encourt en consommant de tels aliments est très floue, aussi ne saurait-on trop insister sur le rôle que doivent exercer les gouvernements pour assurer la qualité et l'innocuité des produits alimentaires. Tous les gouvernements ont vocation de s'investir dans la protection du peuple contre ces risques sanitaires.

II. Qualité des produits alimentaires

7. La qualité des produits alimentaires doit être une propriété intrinsèque des aliments, qui doivent répondre à des exigences normalisées préétablies. Les facteurs déterminants de la qualité des produits alimentaires peuvent se ventiler entre les quatre catégories de propriétés ci-après:

La qualité des produits alimentaires se rapporte donc à la valeur qui, subjectivement ou objectivement, est attachée à la nourriture au regard de l'une ou l'autre des propriétés qualitatives susmentionnées, ou des quatre à la fois.

III. Innocuité des produits alimentaires

8. L'innocuité des produits alimentaires peut être définie comme l'ensemble des conditions et des mesures nécessaires au cours de la production, de la transformation, de l'entreposage, de la distribution et de la préparation des aliments pour assurer qu'une fois ingérés, ils ne constitueront pas un risque appréciable pour la santé. Il convient tout particulièrement de mentionner que la sûreté absolue des aliments est une chimère, de même que des normes microbiologiques sont fixées pour des aliments qui au-delà de certaines quantités peuvent être considérés comme nocifs pour la santé humaine.

9. Des différences individuelles interviennent aussi en rapport avec l'innocuité des produits alimentaires, avec le fait que certains sujets ne tolèrent pas certains produits, ou présentent des allergies, des capacités immunitaires diminuées, etc. Il n'existe aucun consensus international quant à ce qui constitue un "aliment sûr", et c'est habituellement au gouvernement qu'appartient la décision d'énoncer ce que couvre cette notion pour ses citoyens, en tenant compte de considérations économiques, sociales, culturelles et autres.

10. L'innocuité des aliments est un critère multidimensionnel et dynamique par nature, aussi un aliment peut-il être considéré comme sûr dans certaines circonstances, sans que ce soit nécessairement les cas dans d'autres.

IV. Le rôle déterminant du gouvernement

11. Alors que l'innocuité des produits alimentaires relève de l'exercice conjoint de leurs responsabilités par le gouvernement, l'industrie et le consommateur, le gouvernement exerce un rôle déterminant dans ces relations en mettant en place l'environnement propice et la législation (règlements et directives) qui gouverne les activités du secteur alimentaire dans l'intérêt suprême de tous les intéressés.

A. MISE EN PLACE DE LA LÉGISLATION ET DE LA RÉGLEMENTATION SUR L'INNOCUITÉ DES PRODUITS ALIMENTAIRES

12. La responsabilité du processus consistant à fournir des aliments sûrs, nutritifs et salubres incombe au gouvernement et met en jeu de nombreuses questions déterminantes et complexes, au nombre desquelles la compréhension des principes de l'évaluation du risque, de la gestion du risque et de la communication au sujet du risque.

13. La législation et la réglementation relatives à l'innocuité des produits alimentaires sont essentielles pour définir le cadre juridique dans lequel inscrire une infrastructure efficace de contrôle de l'innocuité des produits alimentaires.

14. La législation permet de définir les normes minimales auxquelles doit satisfaire un secteur agro-alimentaire étendu et diversifié. Du point de vue du consommateur, elle définit quels produits sont salubres et propres à la consommation. Pour l'industrie, elle indique également les critères à respecter pour qu'un produit alimentaire manufacturé soit reconnu comme salubre.

B. ASSURER DE BONNES RELATIONS MANUFACTURIÈRES

15. Les bonnes pratiques manufacturières (BPM), y compris les bonnes pratiques d'hygiène, doivent être appliquées par les fabricants pour produire non seulement des produits alimentaires de bonne qualité générale, mais aussi pour garantir la durée de conservation et l'innocuité exigées des produits alimentaires. Les bonnes pratiques manufacturières déterminent l'aspect hygiénique de la production de produits alimentaires. Mais, hélas, nombre de ces pratiques n'ont pas été spécifiquement élaborées pour garantir l'innocuité du produit. C'est pourquoi ces bonnes pratiques vont normalement de pair avec d'autres systèmes.

C. SYSTÈME D'ANALYSE DES DANGERS ET DE MAÎTRISE DES POINTS CRITIQUES (HACCP)

16. Ce système, dit HACCP, a été élaboré en tant que concept visant à assurer l'innocuité des produits alimentaires. Le gouvernement est responsable d'encourager l'industrie à l'adopter, car il permet d'analyser les risques potentiels, d'identifier à quels stades ces risques peuvent être maîtrisés, et de décrire les paramètres et leurs limites critiques, ainsi que les procédures de suivi. Les opérateurs sont formés pour maîtriser leur tranche du processus, pour surveiller l'efficacité de la maîtrise qu'ils sont censés exercer, et pour prendre des mesures correctives appropriées en cas de dérive.

D. NORMES ISO 9000 DE GESTION DE LA QUALITÉ

17. Les normes de qualité ISO sont des normes harmonisées d'assurance qualité qui représentent le consensus international sur le meilleur moyen d'établir un système fiable d'assurance qualité, susceptible d'être facilement vérifié par l'acheteur ou par un tiers.

18. Les normes génériques de gestion ISO ont vocation de fixer les orientations et les exigences permettant de répondre aux attentes du client dans les pratiques commerciales. Elles s'appliquent donc aux questions courantes de qualité des produits alimentaires et de réglementation en matière d'innocuité. Les normes ISO 9000 définissent les conditions de mise en place, de documentation et d'entretien d'un système efficace de gestion de la qualité. Ces systèmes visent à atteindre le zéro-défaut dans les activités de production, tandis que l'amélioration continue du système est sans limites.

19. La tendance évolutive du concept de gestion de la qualité a conduit à l'établissement du mécanisme de certification ISO 9000. De nombreux gouvernements ont adopté les normes ISO 9000 ainsi que le mécanisme de certification en tant que moyens appropriés d'évaluation, et ce système constitue la base de la réglementation visant la qualité et l'innocuité des produits alimentaires. L'avantage de ce mécanisme est qu'il présente des indices de conformité applicables aussi bien aux produits qu'aux systèmes.

20. Il importe toutefois de noter que la série de normes ISO 9000 permet d'assurer la qualité du produit et de mener à une plus grande rentabilité de l'activité industrielle, mais qu'elle ne garantit pas nécessairement de manière absolue la qualité et l'innocuité des produits, sauf si elle est associée à d'autres systèmes, comme les bonnes pratiques manufacturières et l'analyse des dangers et de maîtrise des points critiques.

E. NORMES NATIONALES APPLICABLES AUX PRODUITS ALIMENTAIRES

21. Les normes nationales applicables aux produits alimentaires établissent des prescriptions spécifiques pour chaque produit, qui fondent l'action de contrôle exécutif des gouvernements.

22. La publication de normes fonctionnelles est fondamentale pour une gestion efficace de la qualité du produit, car ces normes servent de référence à la coordination, à la surveillance, à l'exécution, au maintien et à l'amélioration de l'activité manufacturière par le gouvernement. Les normes fixent donc la base d'une saine gestion de la qualité des produits alimentaires, qui couvre aussi leur innocuité. Les normes doivent être réexaminées de temps à autre pour s'assurer qu'elles sont conformes, chaque fois que possible, aux normes internationales généralement admises.

F. MÉCANISME DE CERTIFICATION DES PRODUITS

23. Ce mécanisme équivaut à un programme d'assurance qualité mené par un tiers, par lequel les fabricants de produits de bonne qualité se voient attribuer un label officiel de qualité. Ce mécanisme, de caractère facultatif, est utilement mis en oeuvre par les gouvernements pour encourager les fabricants à se conformer à des normes établies, et il est de fait pratiqué dans beaucoup de pays par le gouvernement national. Dans le secteur des industries alimentaires, la qualité et l'innocuité des produits sont ainsi activement favorisées par ce dispositif. Les récompenses donnent lieu à une saine concurrence entre fabricants de produits alimentaires analogues. L'effet résultant en est le respect de la législation.

G. INFORMATION ET ÉDUCATION DU CONSOMMATEUR

24. Les instances gouvernementales de réglementation doivent fournir aux consommateurs des informations appropriées sur l'innocuité des produits alimentaires. Le niveau éducatif relativement bas de la majeure partie des populations de la plupart des pays en développement fait notablement obstacle à la participation des consommateurs aux activités de surveillance des produits alimentaires. C'est en informant et en éduquant les consommateurs qu'on les sensibilisera mieux aux questions de qualité et d'innocuité des produits alimentaires.

25. Pour donner de la transparence au processus décisionnel, les organes de gouvernement national devraient élaborer des documents d'information et d'éducation pour décrire et expliquer, à l'intention des consommateurs, les grandes questions ayant trait à l'innocuité des produits alimentaires.

26. Les gouvernements devraient indiquer clairement le rôle des consommateurs et des organisations de consommateurs, et la participation active de ces organisations à la définition et à l'application des politiques et de la réglementation nationale et internationale en matière d'alimentation devrait être encouragée par divers gouvernements, pour améliorer la transparence et engendrer l'engagement. Le système national de contrôle des produits alimentaires devrait être rendu aussi sensible que possible et assumer sa responsabilité devant les problèmes nationaux liés à l'alimentation.

H. SYSTÈMES DE CONTRÔLE DES IMPORTATIONS ET DES EXPORTATIONS DE PRODUITS ALIMENTAIRES

27. Tout gouvernement est responsable de la protection de la population contre les risques sanitaires et la fraude commerciale liés aux produits alimentaires. Ainsi tous les approvisionnements alimentaires doivent être protégés afin de garantir un degré suffisant de qualité et d'innocuité. C'est ce que permettent les systèmes de contrôle des produits alimentaires. L'exercice de cette responsabilité, dans la plupart des pays, fait intervenir plus d'un service gouvernemental. Dans certains pays ces systèmes de contrôle ont atteint divers degrés de complexité, dans d'autres ils ont encore besoin d'être renforcés, tandis qu'ailleurs encore ils sont quasi inexistants.

28. Le contrôle des importations et des exportations de produits alimentaires est une activité réglementaire fondée sur l'application de la législation et de la réglementation en matière de contaminants chimiques ou microbiologiques, d'additifs, etc., et il doit exister des normes alimentaires au regard desquelles mesurer la conformité des produits. Les services d'inspection et de laboratoire constituent le noyau des services de contrôle des importations et des exportations de produits alimentaires. La distribution de produits importés est déterminée par les résultats des examens et des analyses effectués par le gouvernement du pays d'importation. Dans certains cas la délivrance d'un certificat ou d'une lettre d'agrément ou d'acceptation est exigée avant distribution de l'expédition. Si l'expédition est rejetée pour un motif quelconque, elle peut devoir être reconditionnée, ou réexportée, ou détruite, selon le degré et la nature du défaut de conformité ou du manquement.

29. Cette activité obligatoire est imposée par le gouvernement du pays d'importation pour assurer la protection des consommateurs. Devant l'utilisation croissante de substances de synthèse dans les produits d'alimentation, il est absolument nécessaire que l'utilisation d'additifs alimentaires soit réglementée. Des normes visant le degré d'admissibilité de l'emploi de ces additifs doivent être établies pour limiter leur usage aux fins technologiques et nutritionnelles, et réduire les risques sanitaires éventuels. La surveillance et la vérification de la conformité aux normes appropriées incombent au gouvernement.

30. Les activités de réglementation des produits alimentaires diffèrent d'un pays à l'autre dans leur application. Il est nécessaire que les différents gouvernements s'assurent qu'en exerçant leurs responsabilités statutaires ils ne génèrent pas d'obstacles non tarifaires au commerce et ne perturbent pas gravement les échanges internationaux et régionaux.

31. Il ne fait nul doute que la conclusion du cycle de négociations commerciales multilatérales d'Uruguay, en avril 1994, avec les Accords de Marrakech et la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en janvier 1995 ont eu une incidence très forte non seulement sur le commerce international des produits alimentaires, mais aussi sur les gouvernements nationaux et l'industrie alimentaire de chacun d'eux. Pour certains, les Accords ont eu pour effet de favoriser l'introduction d'une plus grande diversité de produits dans le régime alimentaire, en offrant aux consommateurs un choix élargi et meilleur de produits. Quant aux pays exportateurs nets de produits alimentaires, ils ont vu s'ouvrir les possibilités ou s'accroître la probabilité d'une progression de leurs exportations alimentaires, donc une perspective meilleure de développement économique renforcé et de progression du niveau de vie de leurs citoyens.

32. Le terme "probabilité" employé ci-dessus est délibérément choisi parce que, sur ce point précis, les résultats en valeur réelle au cours des dernières années de l'application des Accords de l'OMC ont varié d'un pays à l'autre. Par ailleurs, en ce qui concerne les importateurs nets de produits alimentaires, les Accords de l'OMC ont alourdi la tâche, en ce sens qu'ils doivent faire face à toutes sortes de produits alimentaires, et la nécessité de renforcer encore leur système de réglementation des produits alimentaires pour relever les défis que posent des importations accrues est devenue plus impérieuse.

33. Pour le pays qui aspirent à rejoindre le camp des grands exportateurs alimentaires, l'expérience est en définitive mitigée. Si l'on peut y voir un utile défi lancé aux opérateurs commerciaux sérieux, du fait du renforcement de la concurrence la situation est plus intimidante, voire intransigeante et le cas échéant prohibitive pour ceux qui sont technologiquement et scientifiquement défavorisés. L'expérience est très frustrante pour ceux des pays en développement dont on ne peut dire que leur maîtrise des dispositions de l'OMC et des Accords relatifs aux obstacles techniques au commerce (OTC) est encourageante.

34. Il est généralement admis que les suites des accords de l'OMC ont joué un rôle de plus en plus important dans la disponibilité d'une alimentation salubre et nutritive pour les populations du monde. À cet égard, et dans la perspective de la réalisation des aspects objectifs d'innocuité des produits alimentaires faisant l'objet d'un commerce international, l'accord de l'OMC relatif à l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) a été élaboré et signé pour garantir que les pays appliquent des mesures visant à protéger la santé humaine, animale et végétale fondées sur des connaissances scientifiques dans le cadre de l'analyse et de la gestion du risque.

35. L'objectif global de l'accord SPS est de permettre aux pays de prendre des mesures "légitimes" pour protéger la vie et la santé de leurs consommateurs (en ce qui concerne l'innocuité des produits alimentaires), tout en interdisant d'user de telles mesures d'une manière qui porterait un préjudice injustifié au commerce.

36. Ainsi, le but premier de l'accord SPS est de limiter le recours aux mesures susceptibles de restreindre le commerce à celles qui sont justifiées pour assurer le degré nécessaire de protection sanitaire. Cet accord reconnaît le droit des États membres de protéger leurs consommateurs au niveau qu'ils estiment nécessaire, sous réserves de certaines prescriptions, notamment de cohérence et de transparence.

37. En dépit des rôles importants et complémentaires des accords relatifs aux mesures sanitaires ou phytosanitaires (SPS) et aux obstacles techniques au commerce (OTC), dits accords SPS/OTC, pour ce qui est du commerce des produits alimentaires, on observe que les craintes et les préoccupations qui ont rendu nécessaire ces protocoles ont continué de perturber les échanges mondiaux en diverses manières.

38. Il importe grandement, pour beaucoup de pays, et en particulier pour les pays en développement, que le Codex Alimentarius soit reconnu comme définissant la base de la protection des consommateurs aux fins des accords SPS; diverses dispositions des accords SPS revêtent une importance spéciale pour certains, à savoir notamment:

39. Tout en admettant les faits qui justifient les exceptions susmentionnées, il est désolant de devoir constater que la situation des pays en développement n'a pas notablement changé dans l'intervalle. Pourtant le monde doit aller de l'avant.

40. Notre argument ici est que les pays en développement doivent relever les défis de la réalité de notre temps et consacrer davantage de crédits à leurs organismes réglementaires, pour développer leurs capacités et moyens, en renforçant les systèmes nationaux de réglementation des produits alimentaires, en améliorant les systèmes de technologies de l'information, en participant plus activement aux réunions des comités techniques ainsi qu'aux diverses réunions de la Commission qui traitent de la production alimentaire, de la réglementation correspondante, et de l'innocuité des aliments. Un tel investissement leur rapportera bien plus que de se perdre en dissensions internes ou en crises intra- et interrégionales, et que de dépenser leurs ressources humaines et financières dans des activités de caractère moins constructif.

41. L'établissement de systèmes réglementaires pour les produits alimentaires et les activités connexes là où il n'en existe pas aura vraisemblablement un effet significatif et positif sur les destinées de beaucoup de pays. Les gouvernements de bien des nations auraient tout avantage à adopter les normes du Codex et celles des organismes internationaux de normalisation, en les adaptant si nécessaire à leur spécificité individuelle et culturelle, plutôt que de dissiper leur énergie et de lourdes sommes d'argent à tenter de réinventer la roue. Cette opinion ne s'oppose néanmoins pas au fait que des gouvernements ou des groupements régionaux puissent chercher à élaborer et/ou à harmoniser des normes qui servent leurs intérêts internes ou sous-régionaux, pour autant que cela ne fasse pas obstacle au progrès en direction d'une harmonisation internationale.

42. Les gouvernements des pays en développement auraient beaucoup à gagner à accepter de relever avec fermeté les défis lancés par les accords OMC/OTC/SPS, plutôt que de laisser leur sort, entièrement ou presque, aux mains des organismes et gouvernements donateurs. Un organisme ou un gouvernement donateur ne peut qu'apporter un complément, et non pas se substituer à un État démuni.

43. Par ailleurs, et dans l'intérêt d'un développement global harmonieux et prospère, les gouvernements des pays avancés devraient trouver avantageux pour tous de faire l'impossible pour soutenir la production alimentaire et les efforts de contrôle de la qualité des produits qu'engagent les pays moins développés.

44. L'aide des gouvernements des pays développés devrait s'articuler dans le cadre de programmes ordonnancés dans le temps, permettant d'évaluer les résultats de l'aide sur une période donnée, et de prendre la mesure du succès ou de l'échec pour définir de nouvelles orientations et déterminer si l'action doit être poursuivie ou abandonnée.

V. Conclusion

45. Vu les scénarios susmentionnés, la Commission du Codex Alimentarius a adopté les concepts de bonne pratique manufacturière, les codes de pratique hygiénique et l'utilisation du système d'analyse des dangers et de maîtrise des points critiques (HACCP) en tant que moyen authentique de gestion et/ou de contrôle de l'innocuité des produits alimentaires.

46. De même, l'analyse des dangers a été largement reconnue en tant que méthodologie fondamentale fondant le développement de la gestion de l'innocuité des aliments et des normes correspondantes. Si, au niveau international, des tentatives sont faites pour harmoniser l'approche du risque en raison des différences évidentes dans nos perceptions et nos environnements, et autres facteurs associés, il est admis que c'est là une entreprise que beaucoup de pays membres n'ont pas la capacité ou les moyens de mener pour l'instant. Le monde doit trouver comment sortir de l'impasse.

47. L'innocuité des produits alimentaires ne saurait être dissociée de leur qualité. L'innocuité est un élément de qualité. La décennie passée a vu des avancées très positives avec la définition de modèles pour la gestion des systèmes de qualité par les divers organismes internationaux de normalisation. Tout comme les accords de l'OMC, ces modèles et les normes correspondantes ont été utilisés avec grand profit par des organisations commerciales de beaucoup de pays et ont, assurément, contribué au développement des échanges mondiaux. Appliquées parallèlement aux textes du Codex, les normes de qualité ISO ont produit des résultats positifs pour les affaires en permettant de satisfaire aux exigences commerciales. Pourtant il s'agit là de deux actions distinctes et parallèles visant à obtenir la satisfaction du consommateur, mais le coût d'une participation complète à ces deux organes internationaux a été astronomique, et hors de portée pour la plupart des pays en développement qui souhaitent tirer le maximum d'avantages des programmes menés par les deux. Nous voulons sincèrement croire que la plus grande harmonisation acceptable des deux séries de programmes adviendra avec le temps pour alléger la charge financière qui pèse sur les gouvernements et l'industrie, ce qui permettra de se concentrer davantage sur la législation visant la qualité et l'innocuité. Nous nous sommes efforcés ici de présenter les concepts de gestion de la qualité et de l'innocuité des produits alimentaires tels que l'on peut la mettre en pratique aujourd'hui. Compte tenu de ce qui précède, la convocation de la présente Conférence pour évaluer la problématique du commerce international des produits alimentaires au-delà de 2000 en général, et de la qualité des produits alimentaires et de la législation en la matière - en particulier le rôle des gouvernements - vient à point nommé. Je suis certain que d'autres exposés soulèveront d'autres questions importantes à cet égard.

48. Pour conclure, les opinions exprimées ci-dessus ne sauraient aboutir sans qu'une législation appropriée sur la gestion efficace de l'environnement ne soit mise en application, ni sans bonne gouvernance.

VI. Recommandations

49. Les recommandations suivantes sont formulées à partir des constatations et des observations faites dans le corps du présent document.